[CHRONIQUE] L’année de grâce de Kim Liggett
L’année de grâce de Kim Liggett
Editions : Casterman
528 pages
Parution : 7 Octobre 2020
Aperçu : « Personne ne parle de l’année de grâce. C’est interdit.
Nous aurions soi-disant le pouvoir d’attirer les hommes et de rendre les épouses folles de jalousie. Notre peau dégagerait l’essence pure de la jeune fille, de la femme en devenir. C’est pourquoi nous sommes bannies l’année de nos seize ans : notre magie doit se dissiper dans la nature afin que nous puissions réintégrer la communauté.
Pourtant, je ne me sens pas magique.
Ni puissante. »
Un an d’exil en forêt.
Un an d’épreuves.
On ne revient pas indemne de l’année de grâce.
Si on en revient.
Un roman d’exception « dans la lignée de La Servante écarlate, Sa Majesté des mouches et Hunger Games. » Goodreads
« Effrayant, poignant, obsédant. » Kirkus Review
Mon commentaire général : ça fait froid dans le dos !
Ma note : 8/10
La citation qui résume tout : « Avec ou sans voile, saintes ou dépravées, nous sommes toutes égales face à la mort. » (p.122)
Mon avis (garanti sans spoiler) :
L’année de grâce est le phénomène de cette rentrée littéraire. Présenté comme le digne successeur de La servante écarlate, Sa Majesté des mouches ou Hunger Games, le roman fait couler beaucoup d’encre.
Nous y suivons Tierney, 16 ans, qui vit dans la petite communauté de Garner County et s’apprête à partir effectuer son année de grâce. Toutes les filles de son âge vont partir pour un an dans un camp éloigné, en pleine forêt, où elles vont devoir survivre seules. Le but de l’opération : faire dissiper leur « magie », ce pouvoir qu’ont les jeunes filles de faire tourner les têtes des hommes. Personne ne sait ce qu’il s’y passe. Personne n’a le droit d’en parler. Mais celles qui en reviennent ne sont souvent plus les mêmes qu’en partant…
La nature humaine dans toute sa variété (de la compassion à la cruauté) est au cœur du roman. Livrées à elles-mêmes, les jeunes filles conserveront-elles le vernis civilisé avec lequel elles ont grandi ?
En tant que femme, ce roman m’a fait froid dans le dos. L’environnement dans lequel vit Tierney est extrêmement misogyne. Les femmes ne sont que la possession de leur mari. Elles ont juste le droit de se taire et d’obéir. Les jeunes filles sont données en mariage sans leur consentement. Sous couvert du péché d’Eve, elles doivent partir vivre cette expérience horrible de l’année de grâce. Si elles tentent de s’échapper, leurs petites sœurs seront punies.
Pourtant, il n’est jamais indiqué comment on en est arrivé là. Le contexte historique n’est pas présenté. Comment cette communauté s’est-elle formée ? Qui a eu l’idée de cette année de grâce ? De mon point de vue, cela m’a vraiment manqué pour m’intégrer dans le roman.
J’ai aussi eu du mal avec les personnages, Tierney en tête. Pour le coup, la comparaison avec Hunger Games se tient, tant Tierney ressemble à Katniss : indépendante, débrouillarde, mais très froide. Il est de fait assez compliqué de s’attacher à elle.
Avec la fin proposée ici, on ne peut qu’appeler à une suite. L’autrice n’a pas exclu cette possibilité et ce serait bienvenu. En effet, il reste tellement de questions non-résolues qu’un autre roman paraît indispensable.
En résumé, L’année de grâce est un roman d’aventure, pour lequel il faut avoir le cœur bien accroché, entre l’ambiance malsaine et certains détails plutôt gores. Il est, pourtant, à lire pour que personne ne se soumette jamais à un environnement aussi oppressant.
Et maintenant, passons à mes commentaires non censurés... Attention spoilers ! Si tu ne veux pas en savoir plus sur l'histoire, arrête-toi ici !
Mes commentaires non censurés :
Sachant qu’il existe des communautés dans lesquelles hommes et femmes vivent à égalité, comme le dit Ryker, il aurait vraiment été intéressant d’en savoir plus sur la naissance de Garner County. Tout comme l’instauration de l’année de grâce, ou cette idée répugnante de consommer des morceaux des filles capturées par les braconniers. En fait, j’ai fini ce roman en n’étant pas plus avancée qu’à la première page.
C’est d’ailleurs le sentiment omniprésent que j’en retire. Que ce soit du point de vue du contexte, ou des personnages. Au final, rien n’a bougé. L’année de grâce existe encore, les femmes sont toujours des citoyens inférieurs. Seules les nouvelles jeunes filles au ruban rouge pourront prétendre à un peu plus de confort parce que les autres ont recouvert leurs esprits avant de quitter le camp.
On sait que les femmes se retrouvent en secret, menées par la mère de Tierney. Mais que font-elles ? En quoi essaient-elles de faire changer les choses ? On ne sait pas.
C’est peut-être l’objet de la suite, avec la fille de Tierney et Ryker.
Pour en revenir à leur relation, là encore, je suis restée très extérieure aux évènements. Je n’ai pas capté le moment où d’ennemis ils sont devenus amants. C’est peut-être parce qu’il peut se passer un mois en l’espace d’une ligne, et que ce procédé a souvent été utilisé par l’autrice. Mais quand on parle de sentiments, cela ne fonctionne pas. En tout cas, pas pour moi.
Globalement, c’est surtout l’idée de base que j’ai appréciée, mais je suis déçue de l’exécution. Les filles ne sont pas rebellées. Certaines sont mortes. D’autres mourront encore. Tierney est au final assez égoïste (comme Katniss, encore une fois). J’ai l’impression d’être revenue au point de départ, sans être vraiment partie…
C’est une impression assez bizarre, mais je suis contente d’avoir découvert ce phénomène, qui a l’avantage de montrer les conséquences de la misogynie poussée à l’extrême. En espérant qu’on n’en arrive jamais là.
Et toi, Ami Lecteur, qu’en penses-tu ? Ce roman te tente ?
Dis-le moi en commentaire.
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